Bruno Guglielmi - écrire pour les grands de la chanson française



    En résumé:                                        

 Ville d’origine :  Sucy-en-Brie
 Signe du zodiaque :  Scorpion
 Plat préféré :  les plats que je partage avec les gens que j’aime
 Lève-tôt ou oiseau de nuit : un lève tôt
 Réseaux sociaux utilisés :  FB, Instagram
 La chanson que vous écoutez en boucle en ce moment: Alain Souchon – Le dégoût
 Citation préférée :  « Par la caresse nous sortons de notre enfance mais un seul mot d'amour et c'est notre naissance. » de Paul Éluard.
 Votre super talent/pouvoir :  la force d'être faible

  
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    Bonjour Bruno!     Merci d'avoir accepté de répondre à mes questions.     Vous êtes un auteur-compositeur-interprète français.  Vous avez publié votre premier album "La vie ordinaire de Bruno Guglielmi" en 2012 , deuxième « Empaillé » en 2014 et récemment vous avez écrit des textes sur les derniers albums de Calogero et Patrick Fiori. Mais avant tout ça, comment avez-vous découvert votre amour pour la musique?

     Je crois que mon amour pour la musique est né avec mes amis d'enfance. J'avais autour de 13 ans et on regardait beaucoup de concerts en VHS. On écoutait de la musique plutôt rock à l'époque. Ça nous plaisait et ça nous créait vraiment des émotions. Je pense que c’est à cette époque-là qu’on a décidé de monter un groupe de rock. C'était un peu confus parce que personne d'entre nous n'avait vraiment de notions de musique, alors on a appris comme ça, tous un peu sur le tas. Et j'ai commencé par la batterie.
    

Bruno Guglielmi | Empaillé | 2014

    Vous êtes un vrai artisan de la musique française. Vous  produisez tout vous-même, sans maison de disque ni un producteur, presque de A à Z. Pourquoi avez-vous  choisi cette manière de produire vos albums?      J'ai choisi cette manière par défaut, parce que j'ai essayé de contacter pas mal de maisons de disque dans les années 2000 et puis souvent je suis passé à côté de signatures. Je suis arrivé en pleine crise du disque ! Par ailleurs peut-être n’étais-je pas vraiment totalement prêt non plus.     Alors comme j'avais quand même envie d'écrire des chansons - j'avais des choses sur le cœur - j'ai tout fait à la maison. J'avais un peu de matériel et avec ma formation de batteur ça m'a permis de faire toutes les rythmiques. J’ai ensuite ajouté les guitares et les basses, un petit peu de clavier, tout ça tout seul. Il y a eu 2 invités je crois sur le premier album - François Bernat à la contrebasse sur un morceau qui s'appelle "On se casse" et Jérémie Tepper à la guitare sur le même morceau. Je crois que c'est à peu près tout. J'ai quand même reçu l'aide de Jean-François Pifferi sur certains pianos, certains arrangements de cordes, c'est vrai... mais 90 % de cet album je l’ai fait tout seul à la maison. C'est parce que je n’avais pas le choix et surtout j'avais envie que les chansons existent, donc je me suis débrouillé.     L'avantage de ce procédé c'est qu’on n’a aucune pression d'aucun directeur artistique, ce qui veut dire qu’on peut faire un refrain de trois minutes et puis faire 5 couplets sans que personne ne trouve à redire. Je n’ai donc pas tenté de « faire des singles », seulement de rester au plus proche de mon inspiration. C’était véritablement une expérience très enrichissante de faire cet album de cette manière.

    Comment se passe le processus de création pour vous et où est-ce que vous trouvez l’inspiration?     Mon inspiration - c'est une banalité - mais je la trouve dans tous les moments de ma vie. Alors ça peut être en écoutant la radio, en regardant un peu les gens autour de moi, en discutant avec mes potes ou en philosophant sur un bout de comptoir. Les sujets peuvent venir de n'importe où. Et puis aussi je note beaucoup de phrases - des phrases qui me viennent comme ça ... je note tout dans mon téléphone, je mets tout de côté et quand j’ai besoin d’idées, je regarde ce que je peux mieux développer, associer etc ... J'écris sur une tablette, pas du tout sur papier - c'est l'avantage - je peux aller chercher plein d'idées. C'est comme ça que je gère mon inspiration.     Pour le premier album j’ai fait les arrangements avec mes propres notions, en fait l'idée de faire un album - c'est surtout quand on commence à se dire "tiens ! J’arrive à une dizaine de chansons ...", "Ce serait peut-être pas mal de les regrouper." 


    Vous vous souvenez de votre première chanson et l’émotion qu'elle a suscité?     Ma première chanson, je ne m'en souviens pas exactement, mais c’était certainement une chanson très maladroite. J’étais probablement très sincère dans la manière de l'écrire mais au final je crois que si je l’écoutais maintenant, je rirais beaucoup. En fait c'est normal, dans les premières chansons on a l'impression de donner toute sa vie et puis finalement c'est assez banal. Mais par contre l'émotion que ça a créé est là, même si la mise en forme de l’idée est mauvaise. Je suis attaché à cette petite émotion qui se dégage lorsque je sais que j’ai retranscrit ce que j’avais « dans le ventre » - cet instant précis de la création est un très grand moment de bonheur. C'est assez rare pour le souligner.

    Avec quoi votre vie est-elle « Empaillée» en ce moment ?     Ma vie est remplie exclusivement de la musique et des chansons - les deux en même temps. Alors j'écris beaucoup en ce moment, j'écris pour moi, j'écris aussi pour d'autres artistes qui préparent des albums. Ma vie est aussi remplie de concerts. Avant les confinements j’avais la chance de faire une magnifique tournée avec Maxime Le Forestier. Il nous laisse une place avec mon copain Arthur Le Forestier pour une première partie sur toute la tournée - c’est quand même un énorme cadeau - et ce cadeau est complété par le fait que nous avons la chance de l'accompagner aussi sur scène pendant son spectacle. Donc avec cette tournée et l'écriture de chansons et de textes - ma vie est remplie exclusivement de musique.



    Vous jouez de la batterie et vous aimez le rock mais vous êtes un grand amoureux de la chanson. Qu’est-ce qui vous attire tellement dans le style de la chanson à textes et quelles sont vos plus grandes influences?     Oui en effet je pense que j'étais un faux rocker au début. Ça arrive à beaucoup de jeunes, on commence toujours par un style un peu tranché... histoire de s’affirmer. Malgré ça, en parallèle, j’ai toujours beaucoup écouté de chansons françaises.     Les premières chansons ? Comme à la maison mes parents n’écoutaient pas de musique, je me suis fait ma petite culture musicale tout seul. Mes portes d'entrées étaient peut-être discutables. Je n’ai pas commencé avec Brassens ou Brel ...je ne connaissais pas vraiment.     Ce qui me touchait beaucoup c'était Jean-Jacques Goldman - quand j'écoutais Goldman ça me parlait énormément et je trouvais ça magique de pouvoir dire tellement de choses avec des couplets et des refrains je trouvais ce format fou ! Ensuite j'ai écouté Francis Cabrel. Ce n’est pas très original mais ils ont été les premiers.



    Et puis après quand on commence à écouter la chanson française plus en profondeur, on découvre évidemment Brassens, Barbara aussi ! Brassens m'a mis une énorme claque évidemment ! L’écriture est tellement ciselée, il n'y a pas un seul mot pour lequel on pourrait dire "j'aurais mis un truc mieux à la place" … ça n'existe pas chez Brassens.     Et puis pareil, je crois que Brel a suivi, et plus récemment Barbara - ce sont des grands noms que tout le monde cite mais il faut les citer parce qu'ils sont énormes.     Évidemment Maxime Le Forestier , évidemment Alain Souchon c'est arrivé un petit peu après. J'ai découvert en fait les artistes assez tard je pense. Parce que j'ai cherché tout seul…. comme les lectures je me suis toujours un peu débrouillé tout seul, on ne m'avait pas tellement dirigé, donc je pense avoir des lacunes un peu partout et en même temps j'ai fait mon petit bonhomme de chemin.



    Vous écrivez aussi des textes pour d’autres artistes. Par exemple vous êtes devenu une des plumes de Julien Clerc. Est-ce qu’il s’agit encore des textes ressentis? Est-ce qu’il y a une différence entre écrire pour soi et écrire pour d'autres artistes pour vous?     Chez moi il y a une différence. Quand j'écris pour un autre artiste j'essaie vraiment de voir ce qui va sonner dans sa bouche - dans sa voix , dans sa façon de chanter, dans son timbre de voix, dans sa tonalité. J'avoue que quand j'écris un texte, je crois même qu’il m'arrive parfois à la maison d'imiter un peu le chanteur pour qui j'écris - pour voir si ça va bien sonner dans sa bouche. Donc j'écris légèrement différemment selon les interprètes - ça c'est sûr.     Dans mes propres chansons, je prends beaucoup de libertés. Je ne lésine pas sur les gros mots, il y a des formules très familières, il y a des mots un peu tordus. Certains des sujets que j'aborde peuvent être un peu bizarres - genre "Empaillé" par exemple et plein d'autres choses.  Je m'autorise plein de choses, parce que je sais que c'est un moment où je suis en totale liberté. Après, pour Julien Clerc, j'essaie aussi de faire attention qu'il n’ait pas déjà enregistré le thème du texte que je lui propose dans une chanson écrite par Roda-Gil 30 ans avant ! Il y a plus de recherche à ce niveau-là.  L'artiste pour qui j'écris prend toute la place dès le début de l'écriture en tout cas.



    Vous avez récemment collaboré avec Calogero pour qui vous avez écrit le texte de "On fait comme si" - une chanson dédiée à la pandémie actuelle et une chanson de son nouvel album - "Vidéo". Comment votre collaboration s'est-elle déroulée et qu'est-ce qui vous a inspiré pour écrire sur les personnels soignants ?     C’était au tout début du premier confinement quand nous travaillions avec Calogero sur des chansons de son futur album. Suite à une conversation téléphonique et face à cette sidération mondiale, nous est venue l’idée de faire une chanson et de redistribuer nos droits d’auteurs à la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France. Il m’a rapidement envoyé une mélodie et nous avons bouclé la chanson en trois jours ! Puis Calo l’a postée sur Facebook et l’écho a été très fort (16M de vues) ! Nous sommes heureux d’avoir modestement contribué à cet élan de solidarité envers nos soignants. La chanson « Vidéo », qui figure aussi sur l’album, est née avant « On fait comme si » en réalité. Je suis très heureux du travail réalisé avec Calogero. J’espère pouvoir encore collaborer avec lui. C’est un immense musicien.



    La liste des collaborations continue car vous avez aussi récemment écrit les textes de quatre chansons pour le nouvel album de Patrick Fiori, "Un air de famille" et parmi eux "J'y vais" - un duo entre Patrick et Florent Pagny. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces textes? Patrick Fiori les a-t-il appréciés dès la première lecture?     La collaboration avec Patrick Fiori a été très fluide. Il m’a exposé son idée d’avoir un album qu’on écouterait comme on regarde un album de photos de famille. Il souhaitait que toutes les chansons évoquent de près ou de loin les rapports que l’on a avec ses parents, ses enfants etc ... Il m’a proposé quatre mélodies et j’ai écrit « J’ai appris », « On se love », « Une vie » et « J’y vais ». Pour « J’y vais», j’ai écrit le texte en ne sachant pas qu’il souhaitait la proposer en duo à Florent Pagny. Lorsque Patrick m’a annoncé qu’il allait lui envoyer le mp3, j’avais un vrai doute sur le fait que Florent accepte de chanter l’enfance ... le lendemain, Patrick me rappelle et me dit : « Florent est partant ! ». Je dois dire que c’est un honneur d’écrire pour ces deux grandes voix de la chanson française. C’est arrivé sans trop que je m’y attende!





    Vous avez fait une collaboration avec Rose pour aider Fondation Action Enfance qui aide les enfants qui ont des difficultés au sein de leurs familles.  Est-ce que c’est devenu rare d’entendre de la musique engagée des problèmes de la société ?  Et quelle a été votre expérience - est-ce que la musique peut changer des destins ?     Oui c'était une volonté d'être un peu utile. Parce que les chanteurs disent beaucoup de mots mais agissent peu finalement. Et quand j'ai rencontré les gars d'Action Enfance c'était des gars qui ne disaient pas grand-chose mais faisaient beaucoup. Donc je trouvais qu'il y avait une balance à rééquilibrer un peu. Alors je suis allé les voir, je leur ai dit "Si je peux vous être utile, vraiment, dites-moi. Ce que je sais faire à peu près c'est écrire des chansons donc si je vous voulez une chanson, faites-moi signe." C'était un moment assez fort.     Ce n’est pas vraiment de la chanson engagée. C'est de la chanson qui donne un éclairage, qui tourne un peu la lumière vers une cause… Cette chanson-là s'appelle "Mon village"… Personnellement, je pense qu’il n’y a pas véritablement de chanson engagée en France de nos jours. Tout simplement parce qu’on vit dans une démocratie et qu’on peut dire ce qu’on veut quand on veut sans risquer d’aller en prison. Écrire une chanson engagée c'est écrire une chanson contre Kim Jung-Un en Corée du Nord. Ça, c'est une chanson engagée ! En France, si on dit : "la guerre c'est pas bien ", je doute que ce soit de la chanson engagée. De même que si je chante - de ma petite banlieue parisienne : « la Corée du Nord est une dictature », j'ai pas l'impression de m'engager des masses non plus. Je ne prends aucun risque - pour moi la chanson engagée - c'est prendre des risques.



    Je ne sais pas si une chanson peut forcément changer le monde, mais parfois ça peut donner du baume au coeur, ça peut donner un peu de courage au quotidien. Quand on doit aller voir la fille qu’on aime en secret pour lui déclarer notre flamme, peut-être que le fait d’avoir écouté "Je l'aime à mourir" avant nous inspira un peu plus.     Dans mon expérience chez "Action Enfance", je ne pense pas que la chanson en elle-même ait changé la vie des enfants. Par contre c'était un prétexte pour faire parler de la Fondation, pour faire des spectacles, des soirées. Mais la chanson seule, avec ce qu'elle raconte, je ne sais pas si elle a changé la vie des enfants... peut-être un peu, pour un instant seulement.     Que diriez-vous aux gens qui voudraient commencer à écrire ou composer?     Je leur dirai que s’ils cherchent un moyen de gagner beaucoup d'argent - qu'ils arrêtent tout de suite et qu’ils trouvent un vrai travail ! En revanche, s'ils font ce boulot-là parce qu'ils sentent qu'ils ont ça dans le corps et dans le cœur alors il faut y aller ! Il faut tout donner, il faut travailler énormément, se remettre en question tout le temps ! C'est un peu un métier de fou. C'est très difficile, mais c'est magnifique quand on parvient à sortir quelque chose, à décrire exactement ce qu'on voulait dire. Donc je les encourage mais seulement s'ils sont convaincus à 1000 pourcents.

    Votre tournée avec Maxime Le Forestier a dû s'arrêter à cause de la pandémie. Est-ce qu'elle a été repensée? Et quand vos fans pourront-ils vous revoir?     Concernant la tournée avec Maxime Le Forestier, on espère pouvoir reprendre fin janvier, début février. L’aventure est si belle ! Le dernier album de Maxime est un bijou qui doit encore briller sur scène.     Pourriez-vous nous en dire plus sur vos projets et idées actuelles ou futures?     Je vais faire ça dans l'ordre: continuer la tournée de Maxime Le Forestier, parce que c'est un moment magique à chaque fois sur scène avec une équipe incroyable, donc ça je ne peux que souhaiter que ça continue.     Continuer d'écrire pour d'autres artistes - ça me plaît énormément.     En 3ème continuer d'écrire pour moi - j'ai plusieurs chansons prêtes. Je les enregistrerai le moment venu.


Crédits photos: Magda Lates


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