Ludo Pin



    En résumé:                                        


 Ville d’origine :   Sarcelles (95)
 Signe du zodiaque :   Bélier
 Plat préféré :   Lasagnes
 Lève-tôt ou oiseau de nuit :  un peu des deux, ça dépend des jours. Légèrement insomniaque.
 Réseaux sociaux utilisés :   facebook, Instagram, twitter (pas beaucoup)
 La chanson que vous écoutez en boucle en ce moment :   Ásgeir - Until daybreak (édit)
 Citation préférée :   sans talent un don n’est rien qu’une sale manie
 Votre super talent/pouvoir :   Tenace
   
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Bonjour Ludo Pin! Merci d'avoir accepté de répondre à mes questions. Vous êtes un auteur-compositeur-interprète français et vous vivez au Québec. Votre 4eme album - "Nos jours ne sont plus les mêmes" vient de sortir en Europe en avril. Eh voilà ….Nos jours ne sont déjà plus les mêmes. Pensiez-vous que cela pouvait être une prophétie au moment où vous l'écrivez votre album?
Non, je ne pensais pas être prophétique mais je ne pense pas que l’album le soit non plus. Avec un peu de lucidité et au regard des dérives de nos sociétés, il est assez clair qu’il y a plusieurs types de catastrophes sanitaires et climatiques qu’on pointe du doigt depuis des décennies et qui nous pendent de plus en plus au nez. Après cet album est le fruit de plusieurs mois d’écriture dans lequel le thème principal reste l’idée du « lâcher prise » face à une situation qui peut paraître chaotique. J’ai fini cet album alors que je démolissais une partie de ma maison pour la rebâtir. Donc Nos jours ne sont plus mêmes s’inclut plus dans l’idée de reconstruire à partir de l’essentiel, en modifiant les structures de base. En changeant de peu nos perceptions et nos rapports au monde, nos vies et le monde peuvent prendre un chemin tout autre. Malgré un certain nihilisme dans le propos, cet album est mon plus optimiste!


Ludo Pin | Le monde ne sera plus le meme | 2020

Le style que vous créez est une chanson française combinée avec beaucoup d'autre styles comme le trip hop ou du jazz. Comment en êtes-vous arrivé à ce style et est-ce le reflet de vos goûts musicaux personnels?
En écoutant et et en jouant beaucoup de musiques différentes. À la maison, mes parents écoutaient des choses qui venaient de partout dans le monde et on ne faisait pas de distinctions de styles. Barbara, Baden Powell, Django Reinhardt, Brassens, Alain Souchon, Sade, James Brown, Manu Dibango… J’ai eu la chance de grandir en banlieue parisienne et de vivre au contact de centaines d’origines différentes. Tout ça a nourri ma curiosité et mon envie de voyager, de découvrir des choses. J’ai toujours été attiré par la différence. Ça je ne sais pas pourquoi mais mes parents nous ont inculqué la curiosité et l’ébahissement face à un tableau, un paysage, ou encore un vieux fromage corse qui sent très fort. Après il y a eu la guitare, adolescent, le rock, les premiers groupes. J’avais des voisins musiciens et avec mon ami d’enfance on avait son garage avec tous les amplis à disposition pour se prendre pour Led Zep ou Hendrix. Et on s’est mis à écrire des chansons en apprenant à jouer. Au début je commençais à écrire des musiques sur les textes de mon frère et petit à petit je me suis mis à écrire de façon assez naturelle des chansons. Comme un truc qui mûrissait au fil des années et des lectures. Vers 12/13 ans. Mais, à cette époque, on écoutait des vieux trucs.



Au collège dans les années 90 à débarqué le Hip-Hop et nous vivions dans un des épicentres du mouvement avec le Secteur A qui a (surtout au début) apporté quelque chose de lumineux, de très ouvert. Un espoir. Il y avait beaucoup de métissages entre les genres mine de rien. Et au studio où nous répétions se croisaient des groupes de hip-hop, de blues, de musiques maliennes ou bengalis...on comprenait alors qu’avec les mêmes instruments on pouvait faire tout ce qu’on voulait. On a commencé à monter des formations hybrides de reggae, d’afrobeat, de hip-hop en s’inspirant de tout ça. Et j’ai toujours eu autour de moi des amis mélomanes qui me disaient « Tu devrais écouter ce truc, ça va te plaire. ». Au même titre que les mixs de Radio Nova de cette époque dans laquelle on puisait une bonne partie de notre discothèque. Et il y a eu l’arrivée du home studio dans ma vie. Même si j’avais commencé à bidouiller avec des quatre pistes et des samplers ce fut une grande libération parce que j’étais en mesure de mettre en forme assez instinctivement et rapidement des idées que j’avais et qui mélangeaient un peu tout ça. Et j’arrivais à une sorte de maturité ou j’entendais ce que je voulais faire. Mon ami Crapulax, producteur hip-Hop m’a initié à Cubase (logiciel de production musicale) et ça a aussi teinté mes premières productions. Ça arrivait au moment où j’écoutais beaucoup la scène Trip-Hop de Bristol dans laquelle je me retrouvais (de part les origines sociales et géographiques). Une musique urbaine et onirique avec des propos sociaux. D’autre part je commençais à m’intéresser beaucoup aux musiques extra-européennes. Je voyais beaucoup de liens et de connexions entre, par exemple, les musiques mandingues et le hip-hop. Alors j’ai voulu mélanger un peu toutes les choses que j’aimais dans toutes les musiques que j’écoutais. Un bon bazar quoi. Avec toujours cette idée de loop emprunté bien évidemment au hip-hop et qu’une chanson, peu importe sa forme, reste une chanson. Donc j’ai mis les claviers de la Soul, les basses et les beats du Hip-Hop, les guitares du Folk et des « bizarreries » rapportées de mes voyages. C’est au bout de ça que j’ai monté mes premières démos officiellement sous le nom de Ludo Pin. Au début des années 2000.
Comment votre déménagement au Québec a eu un impact sur votre vie et votre musique? Vous avez aussi écrit un album dédié à ce changement de vie appelé "Paris-Montréal" en 2013.
C’est drôle mais j’étais un peu amené à venir ici. J’ai signé mon premier album chez Audiogram, un label québécois qui montait alors une antenne en France. Malheureusement en 2008, dans la pire année de l’industrie musicale. Ils ont donc fermé le bureau en France assez rapidement mais ça m’a permis de venir défendre mon album au Québec où j’avais de belles réactions. La rencontre avec le public mais aussi avec les musiciens de Montréal a allumé quelque chose. Ça arrivait au moment où j’ai rencontré mon amoureuse, la maman de mes enfants. J’ai connu un réel sentiment de liberté et d’évidence. Musicalement, j’avais soudainement l’impression de trouver autour de moi des gens qui avaient une façon de créer proche de la mienne, avec un rapport au son et à la place de la voix qui me correspondait mieux. J’ai eu la chance de travailler assez rapidement avec des artistes du Québec comme Ariane Moffatt. Il y a quelque chose ici dans le système D qui est hallucinant mais aussi dans l’urgence de toujours créer et de façon assez rapide. Donc on parle moins mais on joue beaucoup de musique. Et ça, ça me manquait beaucoup en France. Je trouvais que je passais trop de temps à devoir expliquer, à essayer de me faire comprendre mais, dans le fond, pour comprendre une musique ou une chanson, le plus simple c’est de la jouer et de l’écouter. Et puis j’ai eu la chance d’avoir très vite des gens autour de moi qui m’ont dit qu’ils appréciaient ma façon de travailler. Peut-être plus facilement qu’en France, je ne sais pas. On m’a proposé de réaliser des disques, de jouer de la guitare pour des gens, de faire de la musique pour la danse, le théâtre. Et j’ai tout pris. Alors ça m’a énormément nourri et j’ai beaucoup joué de musique.

L’expérience de la tournée au Québec est aussi quelque chose qui change notre rapport à la musique, à l’idée de donner des spectacles et du pourquoi. Quand tu te fais 700/800 km pour faire un show, tu te sens investi d’une mission parfois, d’apporter quelque chose aux gens plus isolés. C’est sain je trouve. Et puis il y a eu la rencontre avec Navet Confit, le réalisateur avec qui je travaille depuis mon installation à Montréal. C’est une espèce de Damon Albarn du Québec. Touche-à-tout avec qui s’est noué dès le début une familiarité et une complémentarité. Il aime que j’arrive avec mes pistes des démos et qu’à partir de ces squelettes on retravaille sans perdre la fragilité et l’intention de mes productions. Avec lui et Mat Vezio on a monté un trio très solide autour de mon projet qui fête presque ses 10 ans. Mat a commencé par jouer de la batterie avec moi et maintenant de la guitare. Les deux écrivent des chansons, font des supers albums. Ils m’inspirent énormément. Et il faut ajouter que le niveau musical est très élevé à Montréal et que ça m’a tiré vers le haut. L’ouverture québécoise se retrouve dans la musique. Il est facile de voir se mélanger des débutants et des pros, des jeunes et des vieux, du hip-hop et de la variété...tout ça pousse à tenter des choses. D’autant qu’il y a beaucoup moins la notion de vedettariat et que les artistes sont très accessibles. Pour Paris-Montreal, je l’ai appelé comme ça parce que je l’ai vraiment fait entre les deux et que je voulais marquer ce passage. Il y a un peu des deux dans ce disque. Après je suis un artiste français ici, au milieu d’une scène très prolifique, je reste tout de même un ovni étranger haha. Mais ça c’est le jeu de l’immigration pour tous. Même si ce n’est pas une expérience toujours facile, c’est sûrement une des plus enrichissante.

Comment se passe le processus de création pour vous et qu'est-ce qui vous inspire pour écrire de la musique? Ça se passe beaucoup avec des notes, sur un carnet, un téléphone, en mémos. Des petites idées qui surgissent et que j’essaye de capter. Après quand il y a un début de quelque chose qui résonne plus que les autres j’essaye de le travailler. Je me mets assez vite à monter les chansons en home-studio même si j’écris de plus en plus guitare ou piano/voix au début. J’ai été dans de grosses rénovations de ma maison pendant un an. Ce qui m’a a obligé à travailler dans l’urgence, quand j’avais 2 heures devant moi. La contrainte a toujours été un allié dans ma création. Et l’erreur aussi. J’aime laisser place à l’errance et au lâcher prise quand j’écris si bien que, parfois, j’ai un premier couplet et je m’amuse à continuer d’écrire sur un mode plus « freestyle ». C’est très libérateur pour moi et ça donne souvent la sonorité à mes chansons, son timbre, son flow. Après l’inspiration c’est pas évident à comprendre. C’est des moments, des capsules de grâce où on flotte un peu. Donc tout peut-être inspirant. Un regard, une scène de vie, un bon repas, un beau film...Il faut laisser la place et le temps dans nos vies pour laisser ces instants nous pénétrer. Dans cet album, vous évoquez beaucoup de problèmes sociaux et économiques, mais rassurant, vous dites que ce n'est pas encore la fin du monde. Que voudriez-vous que ce soit le message principal de cet album à vos fans? Même si le constat est assez pessimiste, c’est mon album le plus optimiste parce qu’il dit clairement qu’un autre monde est possible et que dans le fond il n’est peut-être pas si loin de notre portée. Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu jusqu'à présent pour faire de la musique? À la sortie d’un concert en 2010, mon ancien directeur artistique de chez (feu) V2 était venu accompagner mon nouveau directeur artistique qui avait « récupéré » mon contrat racheté par Universal. Ce dernier m’avait dit entre autres, que je devais faire des « guitare/voix », de la chanson et ne pas « slamer ». C’était une période assez difficile, je n’avais rien à faire dans cette major et je ne l’avais pas choisi. Mon ancien DA m’a alors simplement dit « Ne les écoute pas. Continue à creuser ton truc. C’est ça que tu dois faire. ». À ce moment dans ma vie, ça a été très important. J’ai suivi son conseil.

Avez-vous déjà écrit de la musique pour quelqu'un d'autre? Pour le spectacle vivant oui et j’ai collaboré à la musique de quelques artistes. Sinon je n’ai jamais été sollicité pour ça mais j’aimerais beaucoup essayer. Quels conseils donneriez-vous aux autres artistes qui commencent tout juste à faire de la musique ou à y penser? Je conseillerais au monde entier de faire l’expérience du home-studio. Il y a un côté psychanalytique là dedans. Comme un reflet et un miroir immédiat de ce qu’on est et de ce qu’on transmet. On peut mieux se comprendre, se corriger, s’apprivoiser de cette façon. Après, pour moi, toute personne qui écoute de la musique, en joue ou danse est musicien. Je conseillerais juste d’en faire, d’en jouer. Bien que je mène ma barque pour bâtir une discographie, je n’ai jamais mis de l’avant l’aspect carriériste de ce travail. Je trouve qu’on se perd vite là-dedans. Je préfère parfois chercher d’autres sources de revenu et me sentir libre dans le temps pour faire ce que je veux. Sinon je suis mon propre producteur, alors, oui, je conseillerais de garder au maximum son autonomie mais de s’entourer des bonnes personnes pour évoluer. Ses musiciens(ennes), son label, son attaché(e) de presse...On n’est pas toujours son meilleur ambassadeur. Que pouvons-nous attendre de vous à l'avenir? Quels sont vos projets en cours? J’ai un clip qui sort dans peu de temps. Après, quand les choses le permettront, j’espère pouvoir prendre les routes et l’avion pour venir défendre mon album en live partout où on me le propose. J’ai hâte de rejouer avec mes amis. J’aimerais pouvoir travailler sur la production d’un spectacle. Sinon, je suis content, j’ai de très belles réactions bien que la période pour sortir un disque n’est vraiment pas optimale. Après ça, j’ai un projet avec un orchestre d’une autre musique que j’aimerais vraiment réaliser. Ça fait longtemps que ça me trotte dans la tête. Ça sera comme un virage par rapport à ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. J’aimerais aussi monter un groupe de Shoegaze/Slam avec Navet Confit et Mat Vezio mais ils ne le savent pas vraiment...




Crédit photo : Olivier Téoli


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